Je suis arachnophobe et je suis allé voir Vermines au cinéma
En 2018, j'ai ouvert ce blog le temps de cinq petits articles, avant d'immédiatement l'abandonner pour rejoindre la merveilleuse équipe de The Pixel Post. Sauf qu'aujourd'hui, j'ai envie d'écrire un truc qui n'aurait pas sa place chez TPP. Déjà car ça ne parle à aucun moment de jeux vidéo, et surtout car c'est un récit très personnel. On ressort donc le blog de sa léthargie, on dépoussière, on aère pour se débarrasser de l'odeur de naphtaline et surtout on fait sortir les araignées, car c'est bien de ça dont j'ai envie de parler, au lendemain de ma séance de ciné devant Vermines.
J'évite, en général, de m'auto-diagnostiquer. Je ne juge absolument pas les personnes qui le font, mais j'ai personnellement trop peur de me tromper, d'exagérer ou minimiser mes impressions et ressentis, et d'utiliser des termes à tort et à travers ou de m'attribuer des qualificatifs erronés, peut-être au risque de porter préjudice aux personnes réellement concernées. Mais il y a un aspect sur lequel je ne prends plus tellement de précautions ou de pincettes : je suis arachnophobe. Je n'ai pas "juste" peur des araignées, j'inspecte mon appart dans tous ses recoins si je l'ai quitté trop longtemps, je me réveille parfois la nuit dans un état de panique car je me suis mis à penser aux araignées, je peux mal ou même pas du tout dormir pendant plusieurs nuits si j'en trouve une quelque part chez moi, je refuse de m'aventurer dans bon nombre de caves et greniers, bref, sans que ce soit complètement invivable, c'est au moins envahissant et parfois un peu handicapant.
Si j'en parle, c'est car l'année dernière, je suis tombé sur une affiche de promo du film Vermines, représentant d'énormes pattes d'araignée sortant d'une chaussure. Ma première réaction a été de me dire que non, vraiment non, jamais de la vie j'allais voir ça, c'est mort, même si on me payait pour y aller. Et puis les premières critiques sont sorties, très positives, vantant les mérites d'un bon premier film plein d'énergie, et surtout un bon film de genre français, avec en prime un message politique et social intéressant. Ma curiosité était de nouveau piquée, mais, après lecture du synopsis et visionnage d'une bande-annonce remplie d'araignées énormes grouillant sur toutes les surfaces d'un immeuble, j'ai de nouveau été découragé. Cette minute trente de trailer m'avait mis très mal, m'en infliger 1h45 était hors de question. De toute manière, hormis dans un ciné un peu éloigné de chez moi, avec des horaires peu pratiques, le film ne passait pas dans le coin, la question ne posait pas tellement.
Sauf qu'il a fini par arriver chez moi, plusieurs mois après sa sortie, grâce au ciné associatif de ma ville et à ses soirées à thème – petit aparté, mais si vous êtes dans le Finistère nord dans les alentours du Pays de Morlaix, je ne peux que vous recommander de faire un tour au SEW et au cinéma de La Salamandre : le lieu est magnifique, la programmation est variée, les bénévoles très sympathiques et les tarifs extrêmement abordables. Mais revenons-en à Vermines. Après avoir remarqué sa programmation dans mon ciné préféré, la question de son visionnage s'est réellement posée. Dans les pour : la perspective d'un bon film de genre, dans une salle que j'adore, entouré de mes ami·e·s, ainsi que la suggestion de ma psy de regarder des films montrant des araignées comme potentielle première étape avant une TCC. Dans les contre : ben des araignées quoi. Des araignées partout, énormes, mortelles, pendant 1h45, la possibilité d'une crise de larmes ou d'angoisse en plein milieu d'un cinéma, la crainte de ne plus dormir par la suite, ou de devenir encore plus parano sur le sujet.
Je me suis donc renseigné, durant toute la semaine qui a précédé la séance, changeant d'avis environ toutes les demies-journées, au gré de mes lectures et des commentaires de mes proches, qui, définitivement, trouvaient que c'était une très mauvaise idée que de s'infliger ça. Mais tout de même, j'étais curieux, et j'ai fini par y penser BEAUCOUP. Je crois que mes pensées ont été principalement dirigées vers Vermines du 9 au 15 mars, l'obsession s'intensifiant à mesure que la séance approchait. J'ai revu la bande-annonce plusieurs fois, j'ai écouté des chroniques ciné à son sujet, j'ai lu le press kit du film, des interviews de Sébastien Vaniček, son réalisateur, avec, au départ, un effet assez désastreux. J'ai très mal dormi cette semaine, j'ai énormément cauchemardé au sujet d'araignées, mais j'ai surtout cauchemardé sur l'idée que je me faisais de Vermines, de la vision déformée et amplifiée que je construisais au fur et à mesure de ma documentation.
Et puis, au cours d'une lecture d'interview, un détail a désamorcé une partie de mes craintes. Le film étant tourné en partie avec de vraies araignées, le réalisateur a passé une partie de la promo à raconter la façon de tourner avec ces bestioles. Comment l'équipe s'en est occupée et les a ménagées, à quel point ces dernières sont fragiles et fatigables, au point qu'elles aient besoin de repos après seulement quelques minutes de tournage, et comment interagir avec elles a débarrassé certaines actrices de leur propre arachnophobie. Plus je lisais de choses sur le tournage et moins l'expérience me semblait insurmontable. Si cette exposition intensive à des photos et descriptions d'araignées a d'abord été cauchemardesque, elle m'a peu à peu démystifié le contenu du film, rendant presque supportable l'idée d'y aller.
Je n'étais tout de même pas serein le vendredi après-midi en me dirigeant vers le cinéma, acheter ma place a été nettement moins facile qu'à l'accoutumée, et, pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai monté les marches menant à la salle avec une certaine appréhension. Mais c'était quelque chose qui me semblait tout bonnement inconcevable il y a de ça quelques mois. La séance a été éprouvante. J'ai passé presque deux heures recroquevillé sur mon siège, j'ai proféré des insultes à voix basse lors de quelques apparitions d'araignées un peu trop grosses ou filmées en gros plan, j'ai détourné le regard à de nombreuses reprises, j'ai passé une bonne partie du film à me gratter, vérifier mon cou et mes bras et même à développer une forme de méfiance envers la rangée derrière moi, au cas où un adolescent malveillant aurait apporté une araignée pour blaguer (je sais, c'est complètement con et irrationnel comme pensée, toutes mes pensées et craintes concernant les araignées sont complètement connes et irrationnelles, mais ça ne les rend pas moins terrifiantes et anxiogènes).
Mais j'ai beaucoup aimé le film. Je suis du même avis que la plupart des critiques positives : la réalisation est pleine d'énergie, le propos est intéressant et maîtrisé, les dialogues sont bien écrits et bien interprétés, le film est même très drôle sur bien des aspects, et permet à la partie horrifique de ne pas basculer dans le nanar ou le grotesque, sans pour autant faire baisser la tension. Je pense même que je le reverrai à l'occasion, déjà car j'ai vraiment bien aimé, mais aussi pour comparer l'effet du deuxième visionnage. Mais, surtout, j'ai beaucoup aimé le cheminement qui m'a permis de voir le film, et le soulagement qui a suivi la séance. Ça va, c'était rude, mais c'était supportable. C'était finalement bien plus supportable que tout ce que j'avais projeté sur le film.
Je ne suis bien évidemment pas débarrassé de mon arachnophobie. Ma prochaine rencontre avec une araignée se fera probablement dans les cris et la fuite. Mais le retour chez moi et la nuit de sommeil qui ont suivi se sont déroulés de manière presque sereine, bien plus sereine que toute la semaine passée, en tout cas, sans pour autant m'arrêter de penser au film. Je suis content d'avoir vu Vermines. Déjà car c'était un bon film, je suis toujours content de voir de bons films au ciné avec mes ami·e·s et ma famille. Mais surtout car ça ressemble à une première étape, un premier espoir que, peut-être, c'est effectivement possible de ne plus être pétrifié de terreur face à une tégénaire qui chill sur un mur de mon salon, de ne plus me réveiller en alerte la nuit car j'ai eu l'impression que quelque chose a frôlé mon bras. Et je suis content si ça peut se faire par le biais du cinéma de genre et d'horreur.
On verra ce que ça donne par la suite, mais en tout cas : je suis arachnophobe, je suis allé voir Vermines au cinéma et c'était une séance importante.
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